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Les systèmes de culture du maïs dans le nord de la Côte-d'Ivoire

René K. AKANVOU
IDESSA, Ferkessédougou, Côte-d'Ivoire

Résumé. Le système de culture du maïs dans le nord de la Côte-d'Ivoire est étroitement lié à la culture du coton, qui constitue la principale culture de rente. Vingt pour cent des superficies sont cultivées en maïs. A travers la culture du coton, le système traditionnel de culture des céréales en général s'est considérablement amélioré. L'introduction de la culture attelée et certains équipements tels que les multiculteurs et le semoir ont permis d'accroître les surfaces et de réduire les temps de travaux. Néanmoins, les problèmes de fertilité liés à la saturation de l'espace agricole dans la région de Korhogo, par exemple, les difficultés d'acquisition des autres facteurs de production et les pratiques culturales contribuent à faire baisser les rendements.

Mots clés. Côte d'Ivoire, systèmes de culture, culture attelée, fertilité, pratiques agricoles, maïs, coton, rendement.

Abstract. The maize cropping system in the north of Ivory Coast is closely related to the cultivation of cotton, which is the major cash crop; 20% of total land is occupied by maize. Through cotton production, the traditional cropping system of cereals in general has improved substantially. The use of animal traction and equipment like cultivators and seed-drills has contributed to an increase in cultivated land and a reduction in labor. Nevertheless, fertility problems related to the exhaustion of productive land in Korhogo, for example, and also difficulties for farmers acquiring other production factors and agricultural practices have contributed to a lower maize yield.

Le nord de la Côte-d'Ivoire s'étend entre 8° et 11 ° de latitude Nord. Il couvre approximativement 150 000 km². La culture du maïs, à l'origine, s'est concentrée dans cette zone, avant de s'étendre à l'ensemble du territoire national depuis une vingtaine d'années. Le maïs est une production rémunératrice, car, depuis les années 60, la production et surtout les superficies n'ont pas cessé d'évoluer (tableau 1).

Le système de culture traditionnel, manuel, extensif, occupe encore de grandes superficies et les rendements restent faibles.

Tableau I. Superficies et production du maïs en Côte d'ivoire

Année Superficies Production Rendements
(x 1 000 ha) (x 1 000 t) (t/ha)
1965-66 258 200 0,775
1966-67 270 215 0,796
1967-68 284 223 0,785
1968-69 295 225 0,762
1969-70 333 260 0,780
1970-71 328 232 0,707
1971-72      
1972-73 342 226 0,660
1973-74 337 280 0,830
1974-75 342 226 0,660
1975-76 374 240 0,641
1976-77 507 264 0,502
1977-78 518 247 0,476
1978-79 538 258 0,479
1979-80 564 275 0,487
1984-85 584 275 0,470
1985-86 595 520 0,873
1986-87 533 480 0,900
1987-88 600 420 0,700
1988-89 659 460 0,698
1989-90 675 484 0,717
1990-91 691 484 0,700

Le milieu physique

Le climat est de type tropical sec (aussi appelé soudanais). Il est caractérisé par une saison pluvieuse d'avril à novembre, suivie d'une saison sèche de décembre à mars. La période de pluie favorable pour les cultures s'étale sur cinq mois. Elle peut être interrompue par des périodes sèches, en mai ou en juin (AKANVOU, 1991, comm. pers.). Les fortes précipitations sont enregistrées généralement aux mois de juillet et d'août. De l'ouest à l'est du pays, la pluviométrie suit un gradient avec la zone la plus sèche à l'est.

La température annuelle moyenne est de 24 OC à Ferké et de 26 °C à Korhogo. Elle varie entre 12 OC en décembre-janvier et 39 OC en mars-avril à Ferké. Les températures minimales peuvent descendre parfois jusqu'à 10 OC. L'humidité relative est aussi variable elle tourne autour de 65 % à Korhogo.

La végétation est de type soudanais et subsoudanais avec une savane plus ou moins ligneuse et des forêts galeries (AISA,1991). Les espèces typiques souvent rencontrées sur les exploitations sont le karité (Butyrospermum parkii), le néré (Parkia biglobosia) et Faidherbia albida.

L'altitude est comprise entre 300 m et 800 à 1 200 m, quand on va vers l'ouest.

A partir de ces données, le nord de la Côte-d'Ivoire peut être considéré comme une zone idéale, adaptée à la culture du maïs, malgré l'incertitude dans laquelle se trouve l'agriculteur de la région, si l'on considère la quantité de pluie dont il peut disposer et sa répartition sur l'année. L'analyse fréquentielle de la série des dix dernières années (de 1983 à 1992) montre une décroissance de la pluviométrie, aussi bien à Boundiali qu'à Korhogo.

Les formations géologiques du Nord appartiennent àun complexe fait de successions de bandes de roches schisteuses et de roches migmatiques et plutoniques. Ce sont principalement des granites indifférenciés, des granodiorites, des zones de schistes indifférenciés et des schistes sériciteux (AISA, 1991). Les sols qui en découlent peuvent être classés en six types. Les types qui suivent sont les plus représentatifs.

• Les lithosols couvrent environ 39 % des sols du département de Boundiali et 18 % à Korhogo et àFerké. Ces sols lithiques ont des aptitudes culturales faibles à cause d'un manque de profondeur utilisable, de leur faible capacité de rétention en eau et aussi de leur réserve minérale insuffisante.

• Les vertisois sont présents exclusivement dans certaines plaines alluviales et des bas-fonds. lis couvrent 2 % des sols à Ferké et à Korhogo, 4 % àBoundiali.

• Les sols ferrugineux couvrent environ 70 % des sols du Nord. On les retrouve dans toutes les positions topographiques, sauf dans les bas-fonds et les plaines alluviales. Ces sols se distinguent par les traits morphologiques suivants: profondeur de sol utilisable; présence et importance d'éléments grossiers profondeur d'apparition de la cuirasse ou carapace appauvrissement en argiles des horizons humifères. Les contraintes de mise en valeur de ces sols sont:

Le type d'agriculture

A l'instar des zones de forêt, où le café, le cacao, le palmier à huile, l'hévéa et l'ananas constituent les cultures de rente, la zone nord est appelée la zone coton parce que le coton constitue la première culture de rente. Ainsi, du nord-ouest au nord-est, on rencontre différents systèmes d'exploitation selon que le coton constitue ou non la culture prépondérante.

Ainsi, 40 à 50 % des terres exploitables sont emblavées en coton, 15 à 20 % en maïs, 10 % en arachide et le reste en mil et en sorgho dans le centre-nord (CIDT, 1993). A l'ouest, les grandes superficies sont emblavées en riz, et à l'est, c'est l'igname qui est la plus cultivée. Donc, il n'existe pas véritablement un système à base de maïs, même si le maïs constitue la deuxième céréale cultivée après le riz du point de vue des superficies emblavées comme de sa consommation.

Les systèmes de culture du maïs

On peut distinguer

Les techniques agricoles

Il n'est pas rare de rencontrer le maïs en tête d'assolement, avant le coton, d'autant plus que cette culture connaît de plus en plus de difficultés avec la diminution de son prix d'achat d'année en année. Dans tous les cas, la place du maïs dans le système d'exploitation et son importance dans l'assolement s'articulent autour du coton et dépendent des objectifs économiques du paysan.

La préparation du sol

Le type de travail du soi réalisé est lié aux types d'outils disponibles. En culture attelée, par exemple, les «araras» et les «arcomas» sont les équipements de base sur lesquels on adapte la charrue et la herse. Le labour est soit réalisé à la daba, soit à l'aide d'outils à dents de type chisel ou «canadien» ou à l'aide de charrues à disques ou à socs. L'utilisation du tracteur prend de plus en plus d'ampleur dans la zone de Boundiali. La traction animale est ensuite utilisée pour le semis et les travaux d'entretien.

La fertilisation

Les principales carences dans la zone de savane du Nord sont connues depuis de langues années. Elles concernent principalement l'azote (N) et le phosphore M. Les carences en soufre (S) peuvent apparaître en première année après défriche. Les carences en potassium (K) apparaissent après quelques années de culture et les carences en magnésium (Mg) ainsi que les problèmes d'acidité deviennent sérieux après cinq à dix ans de culture (GIGOU et TRAORE, 1991). Dans la région de Touba, la pratique actuelle est la culture itinérante avec trois ou quatre années de culture. Ce système est en équilibre avec la densité actuelle d'occupation des terres. Néanmoins, on observe par endroits des sols pauvres sur lesquels le maïs ne pousse pas dès la défriche. De même, dans la région de Korhogo, du fait de la densité de population relativement élevée, les sols sont épuisés; ainsi, la fumure vulgarisée est considérée comme insuffisante par certains paysans. Des études de fertilisation effectuées sur des blocs à Touba et à Korhogo montrent qu'il est possible de corriger ces carences et d'améliorer les rendements (tableaux Il et III).

Dans cette zone cotonnière, le complexe 10-18-18 + S-B et l'urée à 46 % sont vulgarisés avec succès sur le coton. La dose vulgarisée pour le maïs est de 250 kg/ha de NPK plus 50 kg/ha d'urée pour un rendement de 30 q/ha (tableau III). Les quantités sont rarement respectées, parce que l'engrais n'est pas subventionné pour la culture de céréales en général. Par conséquent, les champs ne recevront que le reliquat de l'engrais prévu pour le coton.

Son application se fait de façon localisée, à la base des plantules, au stade 5 ou 6 feuilles. Elle peut être faite en une seule fois ou non, selon la disponibilité du paysan et ses moyens en intrants. Généralement, on utilise l'urée ou un mélange NPK plus urée.

Les restitutions minérales au sol proviennent presque exclusivement de la fumure animale. En effet, après les récoltes, les animaux vont envahir les parcelles et consommer les résidus. Ensuite, il y aura les feux de brousse. Bien que l'utilisation du fumier ne soit pas systématique, les paysans qui en disposent l'épandent de préférence en période sèche. Cette pratique est

Tableau II. Résultats des essais de phosphatage.

Traitement TO Fumure vulgarisée Fumure vulgarisée+ Phosphate naturel Phosphate naturel+ urée
Unités totales 0 173 241 137
(1) Coût de l'engrais (FCFA/ha)   29850 43850 18650
(2) Augmentation de la production en 1990 (FCFA/ha)   54450 52 740 41040
(3) Augmentation de la production en 1991 (FCFA/ha)   26864 33978 33866
(4) Total 1990-1991 (2+3)   81 314 86718 74906
(5) Bénéfice (4-1)   51 464 42868 56256
(6) Recettes supplémentaires/coût de l'engrais (4/1)   2,72 1,92 4,02

Tableau III. Fumure conseillée en fonction du rendement espéré.

Rdt grain espéré 1ON-18P-18K Urée
(q/ha) (kg/ha) (kg/ha)
20 à 30 150 50
30 à 40 200 100
40 à 60 300 100
60 à 80 300 à 400 150 à 200

bien maîtrisée dans la région de Korhogo et de Sinématiali (AKANVOU, 1991, comm. pers.) Des études en cours montrent que les résidus de récolte sont aussi disponibles et qu'il est possible de les valoriser en les utilisant dans la fabrication du fumier et de les rentabiliser avec des apports complémentaires d'engrais minéraux (YOBOUE, 1992).

Les semis

De plus en plus, en culture attelée, les paysans utilisent les semoirs. Dans ce cas, ils optent pour des densités de 0,8 m x 0,25 m avec un grain par poquet. Le maïs est semé à la fin de mai ou au début de juin, soit en même temps, soit après le semis du coton. Les pluies de cette période permettent d'avoir de bonnes levées.

Deux types de semis sont pratiqués

Dans le premier cas, un billonnage est souvent réalisé après apport d'engrais au stade 5 ou 6 feuilles. Ce buttage permet à la fois de réaliser un sarclage et de recouvrir l'engrais.

Il existe un certain nombre de variétés, plus ou moins connues des paysans, qui en utilisent souvent deux ou trois (F 7928, F 7529, F 8336).

Le sarclage

La lutte contre les adventices constitue le travail le plus lourd pour les paysans, surtout en culture manuelle. En culture attelée, la plupart des paysans utilisent des herbicides de prélevée, notamment de l'atrazine (Primagram). En plus de ce premier contrôle, un sarclo-binage suivra au moment de l'épandage de l'engrais. Il n'est pas rate de rencontrer des champs enherbés, surtout quand les périodes de sarclage coïncident avec les travaux d'entretien du coton et aussi avec les semis de mil et de sorgho.

La protection phytosanitaire

Les maladies telles que l'helminthosporiose, l'anthracnose et la rouille existent. Elles ne constituent pas un facteur limitant pour la production du maïs, même si le streak, par exemple, connaît une expansion rapide. Les foreurs et les termites causent beaucoup de dégâts au champ en provoquant la verse. Des produits sont disponibles (Furadan, Decis). Leur utilisation est limitée à certains paysans qui ont des moyens. Les ennemis des grains sont également nombreux; la poudre Actellic, notamment, et le Thioral sont souvent utilisés pour le traitement des semences.

La récolte

Le maïs est la première céréale récoltée par les paysans. La récolte débute en octobre et s'étend jusqu'au début de novembre, période qui coïncide avec celle du coton. On laisse les épis sécher suffisamment sur les plantes; ensuite, la récolte se fait manuellement, de même que le déspathage. L'égrenage aussi est manuel, mais des mini-projets conduits par le CNAD (Comité national d'alimentation et de développement) expérimentent actuellement des égreneuses mécaniques. Le rendement moyen national en maïs est inférieur à la tonne. Chez les paysans, le maïs est stocké essentiellement en épis, déspathés ou non, dans les greniers. Il peut aussi être suspendu à une branche d'arbre ou entreposé sur une claie sous laquelle il y a du feu.

Conclusion

En guise de conclusion, nous pouvons rappeler que l'importance du maïs en Côte-d'Ivoire ne fait pas de doute. Avec 472 000 tonnes en 1987, il se situe au cinquième rang des productions vivrières derrière l'igname, la banane plantain, le manioc et le riz (ministère de l'Agriculture, 1993). Les quantités produites sont pratiquement autoconsommées. On estime la consommation nationale à 28,4 kg/habitant/an. Le maïs constitue l'aliment de base des populations du centre-nord du pays. Sa consommation se fait essentiellement sous forme de farine (92 %) et en frais. En plus de cette production, des quantités non moins importantes, 42 000 tonnes par an, sont importées par les brasseries. Signalons également que la filière maïs connaît des difficultés, parce que non organisée, notamment pour la commercialisation et dans le secteur industriel. Afin d'atteindre les objectifs de production des années à venir et de mieux valoriser le maïs, beaucoup d'efforts doivent être fournis dans tous les domaines. En ce qui concerne les systèmes de culture, il faut mettre l'accent sur la diversification de la culture du maïs, encourager l'utilisation de la traction animale et lancer un système intensif intégré, de façon à réduire les coûts de production; par exemple, valoriser les résidus de récolte, utiliser les intrants locaux. De nouvelles variétés à haut rendement et de bonne qualité doivent être développées et diffusées auprès des paysans.

Références bibliographiques

AISA, 1991. Le développement agro-pastoral et agroindustriel du nord de la Côte-d'Ivoire: cas des départements de Korhogo, Boundiali, Ferkessédougou, AISA, Abidjan, 133 p.

CIDT, 1993. Bilan de mise en place des cultures, campagne 1993-94. Directions régionales de Ferkessédougou, de Korhogo et de Boundiali.

GIGOU J., TRAORE S., 1991. Rapport analytique des essais réalisés dans la région de Touba et de Korhogo.

GIGOU J., TRAORE S., AKANVOU R., 1992. Rapport analytique des essais réalisés dans la régions de Korhogo et de Niellé en 1991.

MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE, 1993. Production céréalière en Côte-d'Ivoire. Document 1 du séminaire national sur les potentialités et les contraintes de la production céréalière en Côte-d'Ivoire. Gagnoa, 15-20 novembre 1993.

YOBOUE N., 1992. Rapport d'activité, 2e semestre 1991. Projet PNUD-FAO IVC 87/004: programme national de recherche sur la production céréalière. IDESSA, Bouaké.


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