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III.3.1. L'achat au producteur

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Dans les zones caractéristiques d'approvisionnement, le producteur gui a récolté plusieurs régimes ne les vend pas généralement en détail. La transaction porte sur le lot (2,3,5, 10 régimes etc). Ce procédé interdit aux clients (aux intermédiaires en particulier) de trier, d'acheter seulement les plus beaux régimes et d'abandonner le reste du lot entre les mains du paysan; ce qui constituerait un manque à gagner pour ce dernier. Quand un régime est immature, trop maigre (bananier cassé ou tombé précocement après une tornade) et donc assez incertain sur ses chances d'être commercialisé, le producteur va l'associer à un régime de meilleure présentation, et la vente portera obligatoirement sur l'ensemble.

Le prix de vente traduira une sorte de combinaison des caractéristiques individuelles de chacun des éléments qui composent le lot (taille, poids, qualité):

Prix de vente du lot = t1p1 + t2p2 (avec p1/t1 - p2/t2)

Si le producteur dispose d'un stock important, il fait intervenir le nombre de régimes qui compose chaque qualité, le prix de vente sera:

n1. t1. p1 + n2. t2. p2 + .................. Nn. tn. pn

(ni = nombre de régimes de la qualité i).

Le système s'il n'est pas toujours du goût du client, présente l'avantage de favoriser l'enlèvement de toute la partie de la récolte destinée à la vente chez un producteur donné. Lorsque le lot de régimes sera revendu au détail par les intermédiaires au marché de la ville, chaque citadin pourra acheter la qualité de régime conforme à ses moyens ou à son goût.

Le procédé évite aussi au producteur d'attendre d'hypothètiques acheteurs: les marchés ruraux sont souvent hebdomadaires. Dans les zones rurales très proches des centres urbains ou situées en bordure de routes ou pistes à forte circulation, ce système bien qu'il existe est plus souple: le producteur est plus certain de rencontrer rapidement d'autres clients.

Les intermédiaires ne sont pas en reste. Ils s'associent très souvent pour la location d'un camion (2,3, 4, 7 personnes), et se mettent généralement d'accord avant le voyage ou au début de la collecte sur le nombre approximatif de régimes à acheter par chacun. La collecte dure quelques jours (2 à 5) et s'achève le jour du marché rural (on en profite pour compléter son lot). Dans le groupe, le premier des intermédiaires qui repère des régimes récoltés à la priorité pour engager le marchandage, les autres attendent.

Au cas où le producteur et l'acheteur n'arrivent pas à se mettre d'accord sur le prix des régimes, les autres clients du groupe, par solidarité, boudent la marchandise. Le producteur aura donc 1e choix entre vendre tout de suite son produit à un prix plus conforme à sa qualité ou bien attendre 1e jour du marché hebdomadaire pour l'écouler ces plantains risquent alors de se vendre moins cher parce qu'il y aura beaucoup plus de régimes disponibles ce Jour là. On en arrive à un compromis ou à une situation plus ou moins à I 'avantage de chaque type d'acteur, en fonction de la circonstance et-de la force du marché.

III.3.2. La fidélité

La notion de fidélité joue un grand rôle dans le circuit de distribution. Les acteurs qui se rencontrent souvent ou régulièrement établissent parallèlement à leurs joutes commerciales (marchandages souvent acharnés) des liaisons bien spéciales:

Figure 6: Exemple d'un type de circuit complexe de la banane plantain. Revitaillement du consomateur au "marché central (Lagos)" à Douala


IV. Le flux de distribution

IV.1. Les moyens de transport

Les modes de transport sont très variés et dépendent des quantités à enlever, de la distance à parcourir, de la situation géographique du lieu de production par rapport au lieu de consommation, de l'infrastructure en place:

Les quantités indiquées ci-dessus s'entendent lorsque les volumes utiles sont à pleine charge avec des régimes de 15 kg (référence); au besoin ces quantités sont dépassées.

Yaoundé est surtout approvisionnée en plantains par des pick-up et des fourgonnettes qui effectuent des voyages fréquents et assez réguliers entre la ville et la zone de production.

Trés souvent c'est le producteur lui-même qui vient vendre sa marchandise (quelques sacs de macabo, quelques régimes de plantains ou de bananes, etc) au marché puis retourne plus ou moins rapidement au village. Les pick-up pourraient représenter sans doute 758 du trafic des transports de vivres frais vers la capitale.

Les camions sont affectés généralement à des quantités relativement importantes de vivres, la plupart du temps pour de plus longues distances. Leur fréquence est inférieure à celle des pick-up ou des fourgonnettes: le commerçant qui veut réserver un camion entreprend d'abord une collecte de quelques jours pour s'assurer que le volume transporter nécessite ce type de véhicule.

Duala connait par contre une fréquence plus élevée que Yaoundé pour le transport des plantains par camions (surtout de 7-8 tonnes). Trois quart des approvisionnements de la ville (peut-étre plus à I' heure actuelle) seraient assurés par des intermédiaires et un quart par des villageois (MELIN et DJOMO, 1972).

IV.2. Les distances

Le plantain pour l'essentiel ne parcourt pas de longues distances au maximum 150 km). Les grandes zones de consommation sont ravitaillées par leurs arrière-pays; ce n'est pas le cas en Côte d'ivoire où une grande partie du produit qui arrive sur Abidjan (le plus grand centre de consommation) provient de lieux de production situés couramment à plus de 200 km (Centre-Ouest) TANO KOUADIO, 1979), voire à 500 km dans certains cas.

Douala est approvisionnes surtout par le Sud-Ouest (80100 km en moyenne), le Littoral et l'Ouest, respectivement au moins 70X, moins de 20% et 10% au maximum du volume du produit. Yaoundé ne reçoit pratiquement 1e plantain que du Centre (90% au moins) à partir de sites distants de 40 à 60 km) (tableaux 3 et 4 en annexe) i

Les habitudes alimentaires sont régionales et la zone de production est située aux voisinages de la ville, exceptée pour la partie Nord du pays d'ailleurs quantitativement beaucoup moins consommatrice. Les bananes plantains qui arrivent à Ngaoundéré, Garoua et Maroua proviennent principalement du Centre et d'Est (utilisation du transport ferroviaire) à des distances de 400 à plus de 800 km, secondairement de l'Ouest.

IV 3. Quelques prix au transport sur la base 1890-1991

On indique quelques prix courants relevés pour ces modes de déplacement.

Quelques tarifs reguliers

1 Pousse-pousse

* Douala:
"marché plantain" # 2km "marché central"

2 Pick-up

3 Fourgonnette

4 Camion de 7-8 tonnes (location aller et retour)

5 Camion de 10-12 tonnes (location aller-retour)

6 Chemin de fer (location d'un wagon de 40 tonnes)

Conclusion

Les prix à pleine charge évoluent avec le mode de déplacement:

Les tarifs de transport des régimes ne varient pas toujours en fonction de la distance. Par ailleurs les coûts peuvent évoluer selon la région, et parfois suivant des critères définis par les transporteurs et les autres acteurs, exemple:

Figure 7: Achienement de la banane plantain dans la filiere traditionnelle


V. Tableau d'ensemble de la situation du planta in et des problemes post-recolte

V.1. Generalites

Bien qu'il Y ait deux saisons, l'une de faible, l'autre de forte production. on ne peut pas dire que les récoltes soient en excès par rapport aux besoins des consommateurs pendant la période d'abondance. On ne peut pas parler non plus de pénurie, de rupture d'approvisionnement pendant les mois où il y a moins de plantains: les marchés de Douala, de Yaoundé, des villes de provinces continuent de recevoir le produit. II n'y a pas toujours chevauchement des saisons de production entre les provinces: climatologie, habitudes culturales, importance du plantain dans l'autoconsommation (on vend le surplus et le plantain peut être assez cultivé sans pour autant représenter la première denrée de base comme dans l'Est'. Une partie (relativement faible) de la production de l'Ouest est acheminée sur les marchés de Douala quand il y a moins de plantains dans la ville (juillet à septembre); ce mouvement aurait tendance à diminuer dans cette cité en période d'abondance.

V.2. Au niveau du producteur

La culture est essentiellement traditionnelle (998 au moins des exploitations). Elle est multiforme et ressemble à ce qui est décrit ou observé couramment en Afrique (KUPERMlNC, 1985 et 1988), (CHATAIGNER, 1988):

Ces champs traditionnels sont de taille modeste dans leur majorité. Dans le Sud-Ouest, les surfaces des exploitations vont de 0,5 à 1 ha en moyenne, et sont souvent distants de 30 minutes 1 heure de marche de la case (TLU, IRA-EKONA, 1987.

V.2.1. Avant la récolte

Les causes des pertes peuvent ètre séparées en deux grandes catégories:

A/ La première est d'ordre agronomique, elle affecte le rendement de la culture. On observe des pertes au champ provoquées par:

Environ 20 à 25% de la culture (ou de la surface plantée) peuvent être couramment perdus au champ (TLU, IRA-EKONA, 1987) et (ICRA, IRA, 1990). On présente dans la figure 8 les taux de pertes de plusieurs vivriers par rapport aux quantités totales que l'on pouvait espérer récolter au moment de la plantation, dans les 8 sous-divisions du département du Fako (environ 33X de la production des plantains de la province du Sud-ouest).

Ces pertes de potentiel de production varient suivant la saison et le cycle de production, Nous pouvons avancer (tableau 3 et 4) des ordres de grandeur des pourcentages de pertes aux champs en fonction de ces 2 paramètres, dans la zone de Kumba (Sud-Ouest).

Tableau 3: Estimation des pertes d" pieds de plantains en fonction de l'âge de la plantation dans le secteur agricole de Kumba (SudOuest').

% pertes Cycle

parasites plus coups de vent

destruction mécanique

1

2 - 5

Accidentel

2

10 - 25

£ 2 %

3

20 - 50

 

Tableau 4: Estimation des pourcentages de la répartition saisonnière des chutes de pieds causées par les tornades, par rapport à l'ensemble des plants tombés (zone de Kumba),

Saison Seche Saison des pluies
Novembre - Mars Avril-Mai Juin-Octobre
5 % maximum 95 %
20 % 80 %

B/ La deuxième est d'ordre économique, essentiellement. Elle est liée aux intérêts du producteur; deux aspects ont été notés:

1. La distance qui sépare la case du champ. On se rend vite compte que le paysan ne va pas planter un rejet de plantain à un endroit où il risque soit de ne pas pouvoir récolter le régime soit de ne pas le transporter.

L'argument du type "je ne récolte pas parce que mon champ est trop loin" est le plus souvent étroitement lié au faible prix d'achat que lui propose l'acheteur. Le prix d'achat est comparé à l'effort à fournir pour aller chercher les régimes (d'un certain poids) loin dans la plantation d'une part' aux besoins monétaires plus ou moins urgents d'autre part.

2. Le coût de revient du régime vendu au marché urbain. Dans les localités peu desservies par les véhicules et ayant donc souvent des coûts de transport relativement élevés par régime, le producteur choisit couramment d'attendre l'intermédiaire éventuel qui viendra au village passer commande. Si l'occasion ne se présente pas, les régimes risquent d'attendre encore au champ, sur pied...

Ses options au départ ne sont généralement pas très nombreuses:

Le producteur n'abandonne pas par simple indifférence ou négligence un régime de plantain mûrir puis pourrir sur pied, au Cameroun, à I' heure actuelle; 11 peut se résigner plutôt à le faire dans diverses situations, quand:

On ne voit pas souvent un producteur traditionnel moyen présenter régulièrement chaque semaine plus de 40 à 60 régimes à la vente pour les raisons suivantes:

la floraison est très hétérogène (état du matériel végétal, conduite de la touffe de plants, dates de plantation, cycles de récolte).

Comme on prend soin de récolter les régimes les plus avancés (valeur commerciale plus élevée) mais bien avant la maturation. ceux qui restent encore sur pied conservent beaucoup de chances d'atteindre la semaine suivante sans mûrir.

Comme le marché rural est hebdomadaire, le producteur qui veut vendre a le temps d'amener progressivement au bord du champ ou au village la quantité de régimes qu'il désire commercialiser. Quand il se décide à écouler, vil va récolter ce qu'il peut transporter de la plantation, même si celle-ci est à bonne distance.

Beaucoup de nouvelles plantations sont éloignées du village. On plante le plantain dans le but de protéger les Jeunes cacaoyers, de ralentir les mauvaises herbes, de consommer sur place. Malgré l'éloignement du champ, on s'arrangera toujours pour évacuer les fèves de cacao vers le village. Et le surplus de plantains? Les cours du café et du cacao ayant énormément chutés, on donne de plus en plus d'importance aux cultures vivrières (manioc, macabo, plantain) pour gagner aussi de l'argent...

Conclusion

Il peut se produire avant la décision de récolter, d' importantes pertes au champ par rapport au potentiel de production au moment de la plantation, Dans le Sud-Ouest elles peuvent. atteindre 20 à 25-X. Le problème est tout aussi sérieux dans les autres zones de la culture. Par contre l'abandon sur pied de régimes sains (de toute façon peu courant) est surtout lié au prix et à la demande du produit. Si le prix d'achat augmente, le taux de régimes non récoltés décroit.

Figure 8a: Pourcentages de pertes de vivriers aux champs par rapport aux potentiels de production au moment de la plantation dans les 8 sous-divisions du Département du Fako (Province du Sud-Ouest d'aprés TLU, IRA-EKONA (1987).

Figure 8b: Pourcentage moyens de pertes aux potentiels de production pour l'ensemble du Département du Fako d'aprés TLU, IRA-EKONA (1987)

V. 2. 2. Aprés a récolte

A/ Les techniques utilisées

Pour récolter on n'attend pas que quelques doigts soient déjà

On n'attend donc pas une, deux, voire trois à quatre semaines de plus pour cueillir (les clients attendent). On ira même proposer à la vente des régimes trop maigres qui proviennent peut-étre de pied tombés pendant la dernière tornade (111,3.1): beaucoup de fruits vendus pendant la saison de faible production sont cueillis trop tôt.

Les régimes destinés à la commercialisation sont récoltés par le producteur en évitant si possible de leur faire subir des avaries (chute brutale qui entraine la cassure de doigts): la chute du régime est contrôlée à l'aide d'un instrument (machette, tige en bois ou en bambou) placé sous la hampe. Les intermédiaires négocient plus aisément le prix du produit à la baisse en cas d'avaries évidentes.

En attendant l'enlévement, le producteur stocke la récolte à l'ombre dans un endroit frais:

Les régimes sont récoltés souvent en conservant une hampe assez longue cette caractéristique joue plusieurs rôles au niveau de la filière de commercialisation:

B/ Le contrôle des quanantités récoltées

Certains facteurs contrôlent en grande partie les quantités de régimes qui vont étre cueillies et celles qui peuvent se perdre après la récolte:

V.3. Au niveau des lntermediaires (Situation du produit mis en marché

V.3.1. Le transport

D'un vendeur à un autre, le plantain est transporté en régimes. La vente en mains ou en doigts n'est qu'une forme d'unité de vente lors de l'étape finale de la commercialisation:

Il est bon de signaler que contrairement aux plantains, une proportion très importante des bananes consommées sur le marché local (écarts de triage des plantations industrielles) est transportée (en camion), en mains, en bouquets ou en doigts, suite aux découpes dans les hangars de conditionnement pour l'exportation.

Comme les délais de transport sont généralement courts (quelques heures) entre la zone de production et de grande consommation (cf. IV.2), le chargement arrive entièrement vert 3 la ville la plupart du temps,

Le problème majeur qui se pose est la difficulté d'évacuer le produit à partir de certains sites, en saison des pluies Particulièrement (boues, pistes glissantes, ponts de fortune inondés, zones mal desservies, etc).

Très souvent les producteurs gui veulent vendre, font beaucoup d'effort pour tenter d'amener la récolte (portage ou pousse-pousse sur des kilomètres) vers un secteur de la piste mieux accessible aux véhicules.

Si les retards sont courants' les pertes totales de chargement (collision, camion tombé sur le bord de la route ou dans la rivière) sont accidentelles et peu fréquentes. "Un chargement perdu en 5 ans", "un camion perdu en 3 ans et demi", "notre camion est tombé la semaine dernière (mi-juilet 1990) dans le fossé situé sous le pont, c'est notre premier accident depuis 3 ans", etc.. En pareilles situations on fait en général le maximum pour sauver ce qu'on peut, quand les circonstances le permettent. 11 n'est pas question de laisser pourrir facilement toute la cargaison. Ce type de comportement devant pareille est quasi général.

V.3.2. Les manutentions

Le premier souci des intermédiaires est de transporter tout en une seule fois. Les régimes sont brutalement coincés les uns contre les autres, piétiner pour mieux les tasser. A destination ils sont souvent trainés par la hampe. L'ensemble de ces manipulations est inadapté à la nature fragile du produit. Les chargements et déchargements peuvent provoquer l'arrachage ou la cassure de nombreux doigts.

Dans un chargement à I'arrivée, le nombre de doigts arrachés et ou cassés est inférieur à celui des régimes chargés (en moyenne il est de 80 à 90 pour 100 régimes).

Apres la récolte, le doigt même s'il est encore vert, se ramollit, devient de moins en moins cassant par rapport au fruit fraichement cueilli. Comme les délais entre la récolte et le chargement sont variables (2 à 5 jours de durée de collecte), les doigts d'une bonne partie des régimes ont tendance à moins se casser. On peut supposer que si ces manutentions brutales se déroulaient immédiatement après la récolte, on aurait une plus forte proportion de doigts cassés ou arrachés.

Mais de toute façon. ces morceaux de doigts et ces doigts entiers ne sont cas jetés par les intermédiaires: il sont pratiquement tous utilisés (figure 6). achetés et consommés Par les plus Pauvres. et ne constituent pas vraiment de la sorte. des pertes physiques.

On rencontre rarement des régimes qui tombent des camions au cours des voyages, parce que l'on prend soin de bien coincer le produit quitte à provoquer des grattages ou à tordre plusieurs mains et doigts. D'autre part les régimes n'appartiennent pas au transporteur, ce dernier en acceptant d'effectuer l'enlévement a seulement la charge de conduire la cargaison à bon port, Et les intermédiaires ne s'acquittent le plus souvent des frais du transport qu'à destination, lorsqu'ils récupèrent leurs marchandises.

Si les chargeurs disposent sans management les régimes dans les camions, les fruits sont par contre placés les uns contre les autres selon des dispositions qui tiennent compte logiquement de leur fragilité mècanique. Pendant. le chargement:


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