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La qualité technologique d'un grain réside dans la relation entre ses caractéristiques de ce grain (texture de l'endosperme, taille et forme, épaisseur du péricarpe) et son comportement à la transformation (décorticage ou mouture). Ces différences de qualité technologique sont souvent mises en cause lorsque de nouvelles variétés à forte potentialité agronomique, sélectionnées par les agronomes, donnent de moins bons résultats à la transformation que les variétés traditionnelles locales.
La qualité des produits céréaliers recouvre des significations différentes selon les opérateurs de la filière, depuis le producteur jusqu'au consommateur (Faure, 1994):
- Les commerçants et les organismes stockeurs veulent des grains secs, propres, non infestés ni endommagés.
- Les meuniers veulent des grains propres en lots homogènes, pas trop durs au broyage et donnant un rendement élevé en produits de mouture.
- Les transformateurs veulent des produits décortiqués ou concassés de taille homogène, sans sable ni autres impuretés, sans odeur parasite et non infestés.
- Les consommateurs sont sensibles à la couleur, la texture, l'odeur et le goût du produit cuit final.
Ces critères de qualité, plus ou moins reflétés dans le prix, sont omniprésents même si les normes de qualité en vigueur sont souvent peu respectées (manque de contrôle et gain pour l'opérateur sous-estimé).
8.1.1 Le maïs
Les variétés à texture farineuse sont plus faciles à moudre que les variétés à texture vitreuse qui donneront plus de semoule et de grits. Pour classer les variétés selon leur degré de vitrosité (de 1 à 5), on apprécie visuellement la surface vitreuse de l'endosperme des grains, observés sur coupes transversales. Un grain vitreux (ou "corné") sera classé 1, un grain farineux (ou "denté") sera classé 5.
Il existe également un mini-test de broyage des grains qui détermine un indice de dureté fondé sur la taille des particules broyées. Plus l'indice est faible, plus le grain est difficile à broyer. On a pu ainsi prévoir les rendements en brisures de maïs des variétés cultivées au Sénégal.
Au Togo, les variétés de maïs tendre sont appréciées des consommateurs car elles donnent une farine fine avec un minimum de passage au moulin à meule. Des variétés améliorées comme NH1F, Mexico 8049 ou TZSR présentant les même facilités de transformation ont été bien acceptées. Par contre une variété comme La Posta demandant 2 à 3 passages au moulin devient plus coûteuse à la transformation et donc est moins intéressante.
8.1.2 Le sorgho
Contrairement au maïs, le sorgho est généralement décortiqué avant broyage en farine. Les rendements en grains décortiqués sont plus élevés avec des sorghos à endosperme dur qu'avec des sorghos à endosperme farineux (même principe de mesure que pour le maïs).
8.2.1 Forme et taille des grains
Les variétés de sorgho à grains ronds et/ou à grains de taille supérieure ont des rendements au décorticage plus élevés. Pour un rendement maximum on a intérêt à Classer les grains en trois groupes, petits, moyens, gros et à décortiquer chaque groupe séparément. A défaut on doit éliminer les grains de petites tailles par tamisage avant décorticage. Cette possibilité technique existe dans les installations industrielles existantes en Afrique (Soudan, Sénégal, Tanzanie) mais est rarement utilisée.
8.2.2 Epaisseur du péricarpe
Le décorticage mécanique par voie sèche donne de meilleurs rendements avec des sorgho à péricarpe fin. Par contre le décorticage manuel au pilon est plus facile avec des sorgho à péricarpe épais.
8.2.3 Présence de tannins
La présence de tannins dans certaines variétés de sorgho est généralement liée à la présence d'endosperme farineux et entraîne des rendements plus faibles au décorticage. Le traitement mécanique doit être adaptée pour une abrasion plus douce du péricarpe.
Ce critère de qualité influence directement l'acceptabilité du produit fini. Avant toute transformation, le grain (maïs, mil ou sorgho) doit être exempt de matières étrangères (petites pierres, sable, terre, paille, ficelle, éléments métalliques). Un tamisage, un vannage, un lavage (éventuellement) sont obligatoires. Les opératrices-vendeuses le savent et le font toujours avant de piler le grain ou porter celui-ci au moulin de quartier.
Lorsqu'il s'agit de vendre le grain au commerçant de passage, à la banque de céréales ou à l'organisme d'Etat, l'agriculteur ne se préoccupe pas en général de nettoyer son grain après battage-égrenage car il est rarement payé à la qualité (propreté et homogénéité). Or il y a souvent 5 à 10% d'impuretés dans les lots. La charge du nettoyage (perte de poids et frais supplémentaires) incombe alors à l'acheteur-opérateur industriel et aux utilisateurstransformateurs artisanaux. Lorsque l'opérateur industriel travaille du grain importé déjà prénettoyé (maïs ou blé), il ne fait qu'un nettoyage complémentaire, moins coûteux. Diminuer ou augmenter les prix en fonction de la propreté du produit, améliorerait sans doute le respect des taux d'impuretés dans les transactions commerciales.
Traditionnellement dans les pays africains consommateurs de maïs, mil et sorgho, les différentes préparations culinaires nécessitent une farine ayant des caractéristiques précises et adaptées à chaque plat. Il existe au Bénin une quarantaine d'aliments différents préparés à partir du maïs grain (Nago, 1989). La mesure "délicate" de la qualité culinaire dépend en grande partie de l'habileté et de l'expérience de la ménagère. Mais elle dépend aussi de la qualité de la matière première utilisée. En sus de la propreté des produits, il existe plusieurs critères de qualité prédominants.
8.4.1 La couleur
La couleur des produits de mouture sera la même pour le produit cuit. En général les produits de couleur claire (blanc, jaune, rose clair) sont préférés aux couleurs sombres (gris, rouge).
8.4.2 La granulométrie
Il s'agit de la taille des grains composant le produit final: semoules plus ou moins grossières, farines plus ou moins fines, grains décortiqués plus ou moins concassés. Les mesures de granulométrie sont facilement réalisables à l'aide de tamis de référence vendus sur les marchés.
La farine obtenue traditionnellement au pilon ou mortier contient 22 à 46% d'eau en mouture humide. Sa fermentation rapide, appréciée dans les préparations culinaires ne permet pas sa conservation au-delà d'un jour ou deux. En ville où la mouture se fait à sec ou dans les mini-minoteries, il est difficile de produire des farines et semoules correctement dégermées et broyées pour une bonne conservation durant 1 à 2 mois, donnant après stockage la même qualité culinaire qu'avec les produits frais.
Actuellement il n'existe pas de petit matériel permettant de réaliser un dégermage efficace. Le décorticage effectué par abrasion externe du grain n'élimine pas la totalité du germe inséré dans l'albumen. Pour l'éliminer il faut d'abord casser le grain, ce que font les installations industrielles. Mais alors le rendement en produit dégermé atteint au plus 70%, le produit final est plus cher.
Actuellement on cherche à commercialiser un produit partiellement transformé ayant une granulométrie intermédiaire, pouvant être utilisé dans la préparation de certains plats courants ou rebroyé par la ménagère pour d'autres usages (cas du sankal ou mil concassé et du soungouf ou farine de mil au Sénégal).
8.4.3 La texture
La texture du produit obtenu est liée à la capacité d'absorption d'eau et de comportement à la cuisson. La mesure de la texture du tô, bouillie de mil, mais ou sorgho, a fait l'objet d'une étude en laboratoire à l'IER du Mali et au CIRAD en France. Cette même démarche est en cours pour caractériser d'autres produits pâteux type "ogi" et "akassa" au
Bénin, ou granulés et produits roulés type couscous, "arrow" et "aklui" en Afrique de l'Ouest. Lorsqu'on cherche à industrialiser la fabrication de produits broyés pour l'utilisation dans des plats traditionnels, on peut ainsi déterminer l'influence des variétés et moutures employées sur la qualité du produit cuit final.
La revue des projets de diffusion de technologies en Afrique, à travers les difficultés et échecs constatés, permet de lister les différents écueils à éviter:
- Une technologie inadaptée aux besoins de production ou de transformation des utilisateurs. Soit l'entretien est difficile (approvisionnement en pièces détachées), soit la technique n'est pas appropriée à la variété locale (cas de certaines décortiqueuses);
- Une technologie ne répondant pas aux caractéristiques socio-culturelles du consommateur final (goûts et préférences);
- Une technologie trop sophistiquée ou surdimensionnée entraînant des coûts d'opération et d'entretien trop élevés;
- Des problèmes d'organisation et de gestion provoquant de faibles niveaux de participation des membres et une capacité managériale insuffisante;
- Un manque d'esprit d'entreprise ayant pour objectifs la recherche de résultats financiers favorables et la connaissance du marché et des créneaux porteurs pour telle ou telle activité.
Après avoir abordé un grand nombre de techniques après-récolte, on est amené à dresser le bilan de l'expérience acquise en Afrique subsaharienne. D'une part il semble que les techniques traditionnelles, élaborées au fil des générations d'agriculteurs, aient fait leur preuve. Aujourd'hui encore elles sont prépondérantes car bien maîtrisées et ancrées dans la culture de chaque ethnie. Néanmoins l'évolution socio-économique et les changements écologiques bouleversent les conditions de production et de commercialisation des produits de base (grains et tubercules). Le système après-récolte situé à l'interface doit s'adapter à ce nouveau contexte en perpétuel changement.
La première adaptation, technologique est déjà en cours avec plus ou moins de succès. L'amélioration des techniques existantes permet de répondre aux nouvelles exigences du marché et suit le cours du progrès technique. En effet les solutions techniques existent et peuvent être diffusées à travers des comptes-rendus d'expérience comme ce rapport, en développant la recherche de terrain, en formant les agriculteurs à s'adapter techniquement.
La deuxième adaptation est d'un ordre différent. Il s'agit d'entrer dans un nouvel état d'esprit face aux changements socio-économiques, c'est-à-dire chercher à s'adapter au marché, prendre en compte les nouvelles contraintes de l'environnement, veiller à la qualité de la production. Cette nouvelle expérience "humaine" est sans doute la plus difficile à cerner car elle englobe le domaine technique, collectif et individuel. Ce document a fait état de l'expérience africaine en technologie après-récolte. Gageons qu'il permettra à chaque acteur du développement d'y puiser quelques informations afin de réaliser sa propre expérience.